Travail au noir et mauvais payeur font mauvaise paire

 

Il est de notoriété que le monde de la construction est propice à réaliser tout ou partir de travail en noir.

 

Opération à première vue win-win (en tous cas, à court terme…) dans le chef de l’entrepreneur et de son client, elle peut néanmoins entrainer des conséquences désagréables à plus d’un titre et essentiellement dans le chef du professionnel.

Celui-ci est en effet toujours jugé (par le législateur ou par le juge) plus durement que son client.

 

Différents problèmes fiscaux peuvent apparaitre, que nous n’aborderons néanmoins pas dans la présente contribution.

 

Nous examinerons plus particulièrement la situation du client qui ne paie pas, tout ou en partie, du travail réalisé « en noir », en tout ou en partie.

 

Le travail au noir et l’ordre public.

 

En l’espèce, tant la Cour de cassation en 1961 que la cour d’appel de Liège plus récemment en 2010 ont considéré qu’un contrat d’entreprise à l’occasion duquel des prestations étaient réalisés « en noir » violait l’ordre public.

 

Une norme d’ordre public est une règle impérative que les parties ne peuvent écarter et qui répond à des exigences fondamentales ou à des intérêts primordiaux. Par exemple, malgré le principe de la liberté contractuelle, les contrats sont soumis à certaines règles que les contractants, même s’ils sont d’accord entre eux, ne peuvent écarter. Une règle d’ordre public peut être invoquée par un juge dans le règlement d’un litige, même si aucune des deux parties ne l’a invoquée.

 

Ainsi, la société X ne peut former une demande en justice sur base d’un contrat illégal et demander réparation d’un dommage qu’elle a ensuite subi, en raison de sa propre violation d’une règle d’ordre public.

 

En concluant avec son client un travail “au noir”, celle-ci s’est soustraite aux règles d’ordre public de notre droit.

 

Le même constat s’impose quant à la demande reconventionnelle formée par Monsieur Y en réparation de malfaçons.

 

Quelles conséquences ?

 

La demande de introduite en justice par la partie au contrat est irrecevable.

 

Une personne qui fonde sa demande sur une convention illicite n’a pas d’intérêt légitime au sens de l’article 17 du Code judiciaire, ce que confirmait la cour d’appel de Liège le 15 juin 2010 :

 

« Attendu que les parties qui choisissent sciemment et volontairement de contracter au noir, c’est-à-dire de se soustraire à l’application des lois du pays, ne peuvent agir en justice en vue de faire valoir des droits nés de ces conventions dont elles ont voulu l’illicéité ;

 

[…]

 

Que ces actions principales et reconventionnelles étaient irrecevables par application de l’adage Nemo auditur propriam turpitudinem allegans ;

 

Cette irrecevabilité est d’ordre public et doit être soulevée d’office par les cours et tribunaux. » [1]

 

Conclusion.

 

Le travail au noir, s’il semble présenter une situation de win-win, peut finalement s’apparenter à du lose-lose !

 

Soit dans le chef de l’entrepreneur qui ne pourra obtenir paiement des sommes qui lui sont dues.

 

Soit dans le chef du maître d’ouvrage qui ne pourra obtenir réparation pour malfaçons.

 

Prudence est mère de sûreté, dis l’adage !

 

 

 

 

Julien VERMEIREN

 

 

[1] Liège, 15 juin 2010, R.G.D.C., 2012/10, p. 495.