Le secteur de la construction fait l’objet de nombreuses transaction « au noir » dans le secteur privé. Intérêt d’éluder l’impôt pour l’un, la TVA pour l’autre, il n’est pas rare que tout ou partie d’un chantier soit payé « de la main à la main ».
Mais et après? Que fait-on si les travaux ne donnent pas satisfaction?
Monsieur M souhaite refaire la toiture de sa maison. Il contacte la société S qui lui remet un devis trop élevé pour M.
Ils sont cependant en bonnes relations et conviennent que ce sera M qui achètera les marchandises et S qui effectuera le travail, le montant de la main-d’oeuvre étant payé de la « main à la main ».
Le travail est réalisé et payé conformément aux accords.
Plusieurs mois plus tard, de l’humidité apparaît sous-toiture. Il semblerait, d’après un autre couvreur, que le travail n’a pas été réalisé conformément aux règles de l’art de sorte que de la condensation se forme.
Monsieur M assigne la société S en indemnisation de malfaçons et indemnisation du trouble de jouissance pour un montant de 50.000€, soit plus de 3x le montant du chantier.
La société S va opposer l’irrecevabilité de l’action en raison de la fraude dont les parties se sont rendues coupables : le contrat reposant sur une violation de l’ordre public (transaction en noir), il est nul de sorte que les actions qui en découlent sont irrecevables.
Le Tribunal de Première Instance de Liège, dans un jugement inédit du 2 décembre 2020, va rendre une décision très intéressante.
Le Tribunal va d’abord considérer que l’action en justice, bien que reposant sur un contrat nul, est recevable :
Le Tribunal va ensuite annuler le contrat pour contrariété à l’ordre public de manière assez évidente mais cela n’est pas sans conséquence.
En effet, l’annulation nécessite ensuite la restitution réciproque, par équivalent en l’espèce :
- Monsieur M a droit au remboursement de ce qu’il a payé
- La société S a droit au paiement de ses prestations, hors marge (généralement appréciée à 30%) déduction faite des éventuelles malfaçons.
le Tribunal a donc désigné un expert pour déterminer les malfaçons et leur coût.
Qu’en retenir?
-> le maitre d’ouvrage devra prouver combien il a payé : pas simple !
-> le maitre d’ouvrage peut espérer, au mieux, être remboursé de ce qu’il a payé mais pas au-delà (3x le montant du chantier dans notre exemple).
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Julien VERMEIREN, ancien associé