Abolition de la quasi-immunité de l’agent d’exécution depuis le 1er janvier 2025 – Dirigeants d’entreprises, vous êtes concernés !

Abolition de la quasi-immunité de l’agent d’exécution depuis le 1er janvier 2025

Dirigeants d’entreprises, vous êtes concernés !

L’introduction du Livre 6 du Nouveau Code civil impose un changement de paradigme important en matière de responsabilité extracontractuelle des auxiliaires/agents d’exécution, en ce compris les administrateurs et dirigeants d’entreprises.

L’immunité de l’agent d’exécution est supprimée, de sorte que les dirigeants peuvent désormais être tenus directement responsables, sur base extracontractuelle, des fautes qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions et qui causent un préjudice de nature contractuelle aux tiers cocontractants de la société.

Cette réforme vise à renforcer la position de la partie lésée en lui octroyant une action supplémentaire pour obtenir réparation en se retournant directement contre l’agent d’exécution responsable des dommages occasionnés…

Qu’en est-il concrètement ?

Sous l’ancien régime de quasi-immunité de l’agent d’exécution, l’agent d’exécution d’une société ne pouvait pas voir sa responsabilité engagée par un tiers dont le préjudice subi découlait d’une inexécution du contrat conclu avec la société.

Depuis la suppression de cette immunité, un concours de responsabilité s’opère : le tiers lésé a la possibilité de choisir entre une action en responsabilité contractuelle à l’encontre de la société cocontractante ou une action en responsabilité extracontractuelle à l’encontre de l’agent d’exécution qui agit au nom et pour compte de cette même société et ce, en vue d’obtenir la réparation d’un dommage contractuel !

A titre d’exemple, le fournisseur d’une société dont la facture demeure impayée pourra désormais se retourner contre l’administrateur de la société pour en obtenir le paiement, à condition que les critères de la responsabilité soient remplis.

Afin d’équilibrer les intérêts des parties, le législateur a également prévu des mesures de protection pour l’agent d’exécution.

D’une part, le Livre 6 est supplétif : les sociétés peuvent y déroger en prévoyant contractuellement l’application d’une clause exonératoire de responsabilité extracontractuelle au profit de leurs dirigeants. L’agent d’exécution dont la responsabilité est recherchée peut ainsi se défendre en invoquant la clause exonératoire insérée dans le contrat signé par le tiers lésé.

Cet aspect démontre la nécessité d’examiner attentivement les contrats en cours et à venir et, au besoin, de les modifier pour couvrir contractuellement la responsabilité des auxiliaires.

En outre, le dirigeant peut invoquer les moyens de défense prévus par le CSA, lesquels limitent sa responsabilité au moyen de plafonds de condamnation ou encore imposent une appréciation de sa faute à la marge et a priori.

Attention toutefois que le CSA interdit au dirigeant de s’exonérer lui-même de sa responsabilité professionnelle, au-delà des plafonds prévus, au moyen d’une clause exonératoire insérée dans le contrat qu’il a conclu avec la société. Une telle clause est réputée non écrite.

Enfin, le dirigeant peut également se prévaloir des moyens de défense découlant de la législation sur les contrats spéciaux, en ce compris les règles de prescription applicables au contrat.

En revanche, il convient de noter que les moyens de protection précités ne s’appliquent jamais aux dommages résultant d’une violation de l’intégrité physique ou psychique du tiers lésé ou d’une faute commise dans l’intention de causer un dommage. 

Quand ce régime sera-t-il applicable ?

Les dispositions du Livre 6 sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025.

Ainsi, si le fait dommageable est survenu avant le 1er janvier 2025, le dirigeant bénéficiera toujours d’une quasi-immunité même si l’action en responsabilité est introduite devant les tribunaux après l’entrée en vigueur des nouvelles règles.

À l’inverse, si le fait dommageable survient après le 1er janvier 2025, l’auxiliaire ne bénéficiera plus d’une quasi-immunité même si sa relation contractuelle est née antérieurement à l’entrée en vigueur des nouvelles règles.

Conclusion

Afin de se prémunir contre ces risques accrus de responsabilité, il est crucial que les entreprises et leurs dirigeants se protègent dès maintenant, d’une part, en intégrant dans leurs contrats avec les tiers des clauses exonératoires de responsabilité extracontractuelle des dirigeants et, d’autre part, en ajustant leurs contrats d’assurance en vue d’étendre leur couverture du risque professionnel adéquatement.

Si votre société a besoin de conseils pour examiner et/ou apporter des modifications dans ses conditions générales actuelles, conformément à cette nouvelle loi, n’hésitez pas à nous contacter.

Axelle Muller

Avocate au Barreau de Liège-Huy