En 2016, le législateur avait introduit la possibilité pour le juge, appelé à statuer sur le maintien en détention préventive d’un inculpé, de décider que le détenu ne serait pas transféré à l’audience mais serait, de la prison, mis en liaison avec lui par vidéoconférence.
Pour diverses raisons, tenant notamment au manque de garanties procédurales, la Cour constitutionnelle avait toutefois annulé cette loi.
On sait Koen GEENS opiniâtre. La crise du Covid-19 lui donne ainsi une opportunité de remettre l’ouvrage sur le métier.
En effet, depuis la mi-mars 2020, la plupart des juridictions a décidé que les détenus ne seraient pas amenés à l’audience, et ce pour limiter les risques sanitaires liés à ces déplacements. Ils sont alors représentés par leur avocat.
Notre Ministre de se saisir alors de cette situation, pour regretter que l’on ne puisse assortir cette représentation d’un contact visuel / virtuel. Et de suggérer, au sein d’une proposition de loi fourre-tout déposée fin mai 2020, de rendre la possibilité au juge de se passer du détenu et de remplacer le contact « à l’ancienne » par une vidéoconférence.
Et cette fois, on ne parle plus seulement du maintien des détentions préventives, mais de tous les cas où des détenus sont amenés à comparaître, y compris en matière d’exécution des peines et d’internement (mais pas pour les affaires jugées par la Cour d’assises…que le même Ministre entend par ailleurs supprimer).
Certes, le risque sanitaire n’a pas disparu au moment du dépôt de cette proposition, mais les motifs qui autoriseraient le juge à préférer l’écran au contact direct avec le détenu sont bien plus larges : risque pour la santé publique donc, mais aussi risque pour l’ordre public ou la sécurité d’autres parties au procès, ou en vue de simplifier et accélérer la procédure pénale ou de réduire les délais relatifs au transfert du détenu.
Donc, il suffirait au juge de considérer qu’un transfert de détenu est plus lent qu’un contact vidéo pour privilégier la vidéoconférence. Or on voit mal dans quel cas le transfert serait plus rapide que la vitesse des ondes, à moins que le détenu soit capable de téléportation (mais pourquoi se téléporterait-il alors vers une salle d’audience ?…)
Outre ce champ d’application étendu, les modalités de la vidéoconférence posent de nombreuses questions.
Parmi celles-ci, mentionnons le fait que le texte n’est pas explicite sur l’emplacement de l’interprète éventuel, les travaux préparatoires se contentant de signaler qu’il y aurait lieu de se référer au « droit commun » (faut-il alors en déduire que le détenu et l’interprète seront dans la même pièce ?…)
Quant à l’avocat, il a le choix soit d’être près de son client, soit dans la salle d’audience (étant précisé que le membre du Parquet sera quant à lui toujours présent à l’audience).
Si l’avocat ne peut être près de son client, la proposition prévoit que le détenu pourra communiquer « réellement et de manière confidentielle » avec lui. Par vidéoconférence également, ce qui pose de sérieuses questions quant à l’effectivité de cette confidentialité, l’avocat étant quant à lui par hypothèse dans la salle d’audience…
En conclusion, ce projet – comme d’autres – surfe sur la vague de la crise sanitaire pour tenter de réactiver des dossiers qui avaient été mis au placard, sans toutefois les rendre plus présentables.
L’urgence apparaît d’ailleurs toute relative, puisque le projet prévoit que la vidéoconférence n’entrerait en vigueur que le 31 décembre 2022. Mais méfions-nous : si la loi est votée, il sera très simple de modifier ultérieurement et en toute discrétion cette date pour une entrée en vigueur plus rapprochée…